Transgenre : changement d’état civil

Une personne peut ressentir qu’elle appartient à un sexe opposé à celui qui est physiologiquement le sien, et, par traitements médicaux notamment, peut parvenir à prendre l’apparence physique de l’individu du sexe opposé.

 

Mais qu’en est-il sur le plan juridique et administratif ?

Le sexe faisant partie de l’état de la personne, l’indication du sexe telle qu’elle figure dans l’acte de naissance n’est, à priori, pas modifiable au regard du principe d’indisponibilité de l’état des personnes.

Les transsexuels et les transgenres se sont, d’ailleurs, longtemps heurtés au refus de la Cour de Cassation concernant le changement d’état civil.

Il a fallu une condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (AFFAIRE B. c. FRANCE (Requête no 13343/87)) qui a considéré, en 1992, que la législation française interdisant la modification de l’état civil en ce qui concerne le sexe était incompatible avec le respect dû à la vie privée (art. 8) pour que la jurisprudence, puis plus tard la loi se mettent à évoluer.

A la suite de la condamnation, la Cour de Cassation avait, alors, opéré un revirement par un arrêt de l’Assemblée plénière du 11 décembre 1992 : « Attendu que lorsque, à la suite d’un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d’origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l’autre sexe, auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l’apparence ; que le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes ne fait pas obstacle à une telle modification »  (Cass. ass. plén., 11 déc. 1992, n° 91-11.900)

Quatre conditions cumulatives devaient être remplies :

  • un syndrome de transsexualisme ;
  • un traitement subi dans un but thérapeutique ;
  • une perte du sexe anatomique d’origine ;
  • un comportement social correspondant à la nouvelle apparence.

 

Il fallait, donc, des conditions très strictes : non seulement, un comportement type appelé syndrome, le revendiquer socialement, suivre un traitement hormonal mais également effectué des interventions chirurgicales.

Une récente loi (loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016article 56) a combattu cette jurisprudence rigoureuse et les articles 61-5 à 61-8 du Code civil, d’application immédiate, en découlent (l. 1, t. 2, ch. 2. sect. 2 bis : « De la modification de la mention du sexe à l’état civil »).

L’article 61-5 Cc est venu poser les conditions qui permettent, notamment, de déposer une requête en changement d’état civil et donc vient reconnaitre le choix d’un changement de sexe correspondant au comportement adopté par la personne en société :

« Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification.

Les principaux de ces faits, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, peuvent être :

  • Qu’elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué
  • Qu’elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel
  • Qu’elle a obtenu le changement de son prénom afin qu’il corresponde au sexe revendiqué ; »

 

Les conditions de traitements médicamenteux ou chirurgical, dégagées par la jurisprudence, ont donc été écartées et même très clairement car il est précisé que « le fait de ne pas subir des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande » (C. civ. art. 61-6, al. 3).

Le transgenre comme le transsexuel a désormais une possibilité de faire évoluer son état civil.

 

Concrètement :

La demande est présentée devant le tribunal de grande instance.

Le demandeur fait état de son consentement libre et éclairé à la modification de la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil et produit tous les éléments de preuve au soutien de sa demande.

Le tribunal constate que le demandeur satisfait aux conditions fixées à l’article 61-5 et ordonne la modification de la mention relative au sexe ainsi que, le cas échéant, des prénoms, dans les actes de l’état civil. (art 61-6 Cc)

La mention de la décision de la modification du sexe, et le cas échéant de prénom est portée en marge de l’acte de naissance de l’intéressé (C. civ. art. 61-7, al. 1er).

L’alinéa 2 précise également que la modification du prénom corrélative à une décision de modification du sexe n’est portée en marge de l’acte de l’état civil des conjoints et enfants qu’avec leur consentement ou celui de leurs représentants légaux (C. civ. art. 61-7 al 2).

 

Caroline Elkouby Salomon
Maître Caroline ELKOUBY SALOMON, avocat Paris 9 Avocat spécialisé en droit des personnes, de la famille et du patrimoine, Caroline ELKOUBY SALOMON a entamé sa carrière dans un grand cabinet d’avocats parisien (SCP Henri Leclerc et associés) après avoir prêté serment en 2002.