18 Juil Le Conseil d’État,
la PMA et la filiation
Le Conseil d’État a constitué un groupe de travail pour mener une réflexion sur le cadre juridique à apporter à la révision des lois de bioéthique. Dans son rapport, il évalue la contrainte juridique en indiquant les options possibles et en identifiant leurs implications dans un souci de cohérence.
Cette étude est consultable en cliquant sur le lien sur le site du Conseil d’Etat ainsi qu’un dossier de presse permettant de prendre connaissance plus rapidement des conclusions est également consultable sur le site du Conseil d’Etat.
La décision d’ouvrir la PMA à toutes les femmes est politique
Sur un sujet qui intéresse, particulièrement, un certain nombre de nos clients à savoir la Procréation Médicalement Assistée qui devrait être très certainement être ouverte à toutes les femmes à l’automne prochain, le groupe de travail explique pourquoi les options qui seront retenues dans le projet de loi ouvrant la PMA à toutes les femmes, résulteront choix politiques et non juridiques.
Les options pourront être une ouverture de la PMA aux couples de femmes et/ou aux femmes seules avec un mode d’établissement de la filiation à l’égard de l’enfant résultant d’options très différentes.
Le rapport indique qu’il n’y a pas d’exigence juridique qui imposerait l’évolution des conditions d’accès à la PMA ou qui obligerait à conserver le statut quo : « Ni le principe d’égalité, ni un prétendu droit à l’enfant n’impose au législateur de supprimer la condition de stérilité pathologique du couple qui souhaite y avoir recours. L’intérêt supérieur de l’enfant est un principe important qui doit inspirer le législateur ne lui impose pas de maintenir la législation en l’état et ne l’empêche de rechercher des solutions autres que celles qui existent actuellement en opérant une conciliation entre plusieurs motifs d’intérêt général ».
Le choix du mode d’établissement de la filiation est aussi politique
Si la filiation est ouverte aux couples de femmes, il y aura en revanche un vrai impact juridique sur le mode d’établissement de la filiation des enfants ainsi nés afin que la mère d’intention puisse établir son lien de filiation à l’égard de l’enfant.
Le droit de la filiation dans son ensemble peut devoir être modifié car « pour la première fois en droit français, il faudra dissocier radicalement les fondements biologiques et juridiques de la filiation d’origine en prévoyant une double filiation maternelle ».
Trois options juridiques se présentent :
Première hypothèse : le droit de la filiation n’est pas aménagé : la mère d’intention doit adopter l’enfant de sa conjointe, la mère biologique. C’est ce qui se pratique aujourd’hui dans les tribunaux lorsque les PMA sont réalisées à l’étranger.
Seconde hypothèse : c’est d’appliquer aux couples de femmes des dispositions aujourd’hui applicables aux couples hétérosexuels bénéficiaires d’un don de gamètes : le consentement est donné devant le juge ou le notaire avant la réalisation de la PMA. L’épouse devient la coparente de l’enfant par présomption de comaternité. Hors mariage, le consentement donné devant le notaire équivaut à une reconnaissance d’enfant naturel porté en marge de l’acte de naissance de l’enfant. En effet, la différence avec les dispositions actuellement applicables aux couples hétérosexuels, c’est qu’il faudrait, au moment de la reconnaissance, apporter à l’officier d’état civil l’attestation de consentement faite devant notaire.
Le Conseil d’Etat attire l’attention sur le fait qu’un tel mode d’établissement de la filiation remettrait en cause les principes fondateurs de droit de la filiation qui reposent sur la vraisemblance de la vérité biologique.
Troisième hypothèse envisagée : la création d’un nouveau mode d’établissement de la filiation applicable à tous les couples bénéficiaires d’un don de gamètes, soit de sexe différent ou de même sexe, par une déclaration commune « anticipée de filiation » devant le juge ou le notaire avant la PMA. Seule la mère ou le père d’intention devrait remettre cette déclaration à l’officier d’état civil pour établir sa filiation à l’égard de l’enfant.
Dans ce cadre, ça serait la volonté qui créerait la sécurité juridique de la déclaration commune anticipée consolidant le lien de filiation établi.
La différence entre les deux derniers modes d’établissement de la filiation est un peu ténue pour les profanes :
Aujourd’hui, dans le cadre d’une PMA pour un couple de même sexe, la filiation du parent d’intention repose soit sur la présomption de paternité si le couple est marié, soit, à défaut, sur la reconnaissance volontaire. Elle utilise donc les modes de filiation habituels qui reposent sur la vraisemblance du lien biologique. Le consentement donné chez le notaire ne vaut que pour le consentement à la PMA qui fait que cette filiation n’est pas attaquable sur le fondement biologique.
L’adoption du deuxième mode présenté laisserait une porte juridique ouverte à la possibilité pour une femme de reconnaître à la mairie l’enfant de sa concubine ou de créer une présomption de maternité en dehors du cadre de la PMA. Dans ce cas, c’est tout le droit français de la filiation qui est bouleversé puisqu’il ne repose plus sur la vraisemblance biologique.
Dans la troisième hypothèse, on permet la bi-maternité, non pas sur le fondement de la vraisemblance par reconnaissance ou par présomption de « maternité », mais sur le fondement du mode de procréation, la PMA avec don de gamète : le parent d’intention est parent par la PMA / don de gamètes, donc par la volonté comme en matière d’adoption et ce, que le couple soit de même sexe ou de sexe différent. Cette solution à l’avantage de la cohérence par rapport au droit de la filiation actuelle. Cependant, pour le Conseil, ce mode conception ne garantirait plus aux parents hétérosexuels infertiles le secret de la conception de leur enfant.
C’est pourquoi, le Conseil d’Etat retient finalement une quatrième hypothèse : fonder la filiation de l’enfant à l’égard de la mère d’intention sur « déclaration commune anticipée » figurant sur l’acte de naissance et conserver pour les couples hétérosexuels le mode de filiation habituel existant déjà pour eux (pour eux, le consentement à la PMA ne figure pas sur l’acte de naissance).
L’association des Avocats LGBT considère qu’il y une discrimination à l’égard des parents de même sexe dans l’établissement du mode filiation et propose de favoriser l’établissement de la filiation par la volonté en réécrivant l’article 6-1 du Code civil : « Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe », en abrogeant les mots : « à l’exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du présent code ».
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Caroline Elkouby Salomon
Maître Caroline ELKOUBY SALOMON, avocat Paris 9 Avocat spécialisé en droit des personnes, de la famille et du patrimoine, Caroline ELKOUBY SALOMON a entamé sa carrière dans un grand cabinet d’avocats parisien (SCP Henri Leclerc et associés) après avoir prêté serment en 2002.